Le poème du mois de mars

Dans l’eau du temps qui coule à petit bruit

Dans l’eau du temps qui coule à petit vent,

Dans l’eau du temps qui parle à petits mots

Et sourdement touche l’herbe et le sable,

Dans l’eau du temps qui traverse les marbres

Usant au front le rêve des statues,

Dans l’eau du temps qui muse au lourd jardin,

Le vent du temps qui muse au lourd feuillage

Dans l’air du temps qui muse aux quatre vents,

Et qui jamais ne pose son envol,

Dans l’air du temps qui pousse un hurlement

Puis va baiser les flores de la vague,

Dans l’air du temps qui retourne à la mer,

Dans l’air du temps qui n’a point de maison,

Dans l’eau, dans l’air, dans la changeante humeur

Du temps, du temps sans heurts et sans visage,

J’aurai vécu à profonde saveur

Cherchant un peu de terre sous mes pieds,

J’aurai vécu à profondes gorgées

Buvant le temps, buvant tout l’air du temps

Et tout le vin qui coule dans le temps.

 

 

                                                     Norge

                                         « La belle saison »