poème d'avril 2020

En attendant les barbares

qu’attendons-nous sur la place ?

c’est aujourd’hui qu’arrivent les Barbares

Pourquoi au Sénat cette inertie ?

Que font les Sénateurs à ne pas légiférer ?

C’est aujourd’hui qu’arrivent les Barbares

Quelles lois voteraient les Sénateurs ?

Les Barbares, installés, les voteront

Pourquoi l’Empereur levé sis tôt

trône-t-il en grande pompe

à la porte de la ville, couronne en tête ?

C’est aujourd’hui qu’arrivent les Barbares

L’Empereur s’apprête à recevoir leur chef

Il a lui-même préparé un parchemin

lui octroyant honneurs et titres.

Pourquoi nos deux Consuls et nos prélats

arborent-ils toge pourpre et brodée

Pourquoi portent-ils bracelets d’améthyste

et bague d’émeraude ?

Pourquoi brandissent-ils cannes d’argent et d’or ?

C’est aujourd’hui qu’arrivent les Barbares

et ces objets-là éblouissent les Barbares

Pourquoi nos savants rhèteurs

ne déclamentt-ils pas leurs discours comme d’habitude ?

C’est aujourd’hui qu’arrivent les Barbares

et ils n’aiment ni phrases ni discours

Pourquoi soudain ce désarroi cette inquiétude ?

Comme ils sont graves, les visages !

Pourquoi les rues les places se vident-elles 

et que chacun rentre chez soi pensif ?

C’est que la nuit tombe

et les Barbares ne sont pas venus

Des hommes arrivés de la frontière

disent qu’il n’y a point de Barbares

Qu’allons-nous devenir sans les Barbares ?

C’était une solution, en un sens, ces gens-là

                                                                                                       Constantin Cavafy (Roumanie)

                                                                                                          Traduction Alain Bosquet