Poéme de mars 2020
L’expérience du désert a été pour moi dominante.
Entre ciel et sable, entre le Tout et le Rien,
La question est brûlante. Elle brûle et ne se consomme pas.
Elle brûle pour elle-même, dans le vide.
L’expérience du désert, c’est aussi l’écoute ;
L’extrême écoute (…)
J’ai, comme le nomade du désert, essayé de
Circonscrire le territoire de blancheur de la page ;
D’en faire mon véritable lieu ; comme de son côté,
Le juif qui, depuis des millénaires, du désert de son livre,
A fait le sien : un désert où la parole, profane ou sacrée,
Humaine ou divine, a rencontré le silence pour se faire vocable,
C’est-à-dire parole silencieuse de Dieu et ultime parole de l’homme.
Le désert est bien plus qu’une pratique du silence et de l’écoute.
Il est une ouverture éternelle. L’ouverture de toute écriture,
Celle que l’écrivain a, pour fonction, de préserver.
Ouverture de toute ouverture.
Edmond Jabès
In « le soupçon du désert »