poème de décembre 2019

S’abaisser jusqu’à l’humus où se mêlent

Larmes et rosée, sangs versés

Et source inviolée, où les corps suppliciés

Retrouvent la douce argile,

Humus prêt à recevoir frayeurs et douleurs,

Pour que tout ait une fin et pourtant

Rien ne soit perdu.

S’abaisser jusqu’à l’humus où se loge

La promesse du lieu originel. Unique lieu

De transmutation où frayeurs et douleurs

Se découvrent paix et silence. Se joignent alors

Pourri et nourri, ne font qu’un terme et germe,

Lieux du choix : la voix de mort mène au néant,

Le désir de vie mène à la vie. Oui, le miracle a lieu,

Pour que tout ait une fin et que pourtant

Toute fin puisse être naissance.

S’abaisser jusqu’à l’humus, consentir

A être humus même. Unir la souffrance portée

Par soi à la souffrance du monde, unir

Les voix tues au chant d’oiseau, les os givrés

Au vacarme des perce-neiges.

                                                     François Cheng