Poème de juin 2017

Passant, ce sont des mots. Mais plutôt que lire

Je veux que tu écoutes cette frêle

Voix comme en ont les lettres que l’herbe mange.

 

Prête l’oreille, entends d’abord l’heureuse abeille

Butiner dans nos noms presque effacés.

Elle erre de l’un à l’autre des deux feuillages,

Portant le bruit des ramures réelles

A celles qui ajourent l’or invisible.

 

Puis sache un bruit plus faible encore, et que ce soit

Le murmure sans fin de toutes nos ombres.

Il monte celui de sous les pierres

Pour ne faire qu’une chaleur avec l’aveugle

Lumière que tu es encore, ayant regard.

 

Simple te soit l’écoute ! le silence

Est un seuil où par voie de ce rameau

Qui casse imperceptiblement sous ta main qui cherche

A dégager un nom sur une pierre.

 

Nos noms absents désenchevêtrent  tes alarmes

Et pour toi qui t’éloignes pensivement,

Ici devient là-bas sans cesser d’être.

                                                                             Yves Bonnefoy

                                                                     In « les planches courbes »