Poèmes des mois de septembre, d'octobre et novembre
Novembre
Mon bout du monde
Des milliers de fois le même regard
A travers la fenêtre de mon bout du monde
Un pommier dans sa pâle verdure
Et au-dessus des milliers de bourgeons
Ainsi appuyé au ciel
Un ruban de nuage très étendu….
Les cris des enfants dans l’après-midi,
Comme si le monde n’était qu’enfance ;
Une voiture roule, un vieux se tient debout
Et attend que sa journée passe.
Légère, de la cheminée sur le toit,
Notre fumée suit les nuages…
Un oiseau chante, et deux et trois.
Le papillon s’envole rapidement.
Les poules mangent, les coqs chantent,
Oh oui, seuls des étrangers passent
Sous le soleil, d’année en année
Devant notre vieille maison.
Le linge flotte sur une corde
Et là-bas un homme rêve du bonheur.
Dans la cave pleure un pauvre hère,
Il ne peut plus chanter de chansons.
Il en est à peu près ainsi le jour,
Et chaque nouveau coup de cloche
Porte, mille fois, le même regard,
A travers la fenêtre de mon bout du monde.
Thomas Bernhard- « Sur la terre comme en enfer »
================================================================
Octobre
Passée cette ombre petite et pauvre
l’horizon prenait couleur d’hérésie
un dos de dragon
le tranchant d’une épée empoisonnée
Un souffle abstrait dans la poussière du ciel,
ce n’était plus un refuge
mais une chimère noire
une bague de néant
qu’un cavalier d’apocalypse
avait tenue contre ses dents
pour la fée folle des sables
Au confluent des peurs
seul et sec
l’arbre était
l’épouvantail du vide.
Il voyait le monde aveugle
le monde et des saisons
le monde de l’anathème
et du poignard dans l’épaule.
Il écoutait le chant d’un espace sans oiseau,
la plainte des esprits calcinés
plus un rire pareil au repentir de l’ange
André Velter
===============================================================
Septembre
Je. Non, ce n’est pas facile, mais je
Avec les mains de carrossière
Les mains calleuses, sans caresses-
Les mains sans une hésitation au contour de la hache
Je. L’oiseau au regard absent. Des griffures dans l’aile-
Une tête orpheline glisse dans le ruisseau, et Je :
Je qui tombe à genou se griffe la figure-
Non ce n’est pas facile à dire-
Je, au bord du courant
Qui a faim, qui a soif, qui-
Je, avec la faille et le pardon-
Un jour, un jour colère,
La claque est tombée, jusqu’à l’os :
Je s’est cassé dans le silence-
Dans le ruisseau la t^te orpheline,
La tête un peu, pleurait, peut-être-
La tête souriait tout doux-
Je, les mains carrossières
Calleuse je, sans caresses
Et le silence frappe fort.
Edith Azam