« Lecture d’hiver » entre humour et grisaille

L’excellent  livre  de  Fabienne  Jacob,  « Corps »,  a  pu  laisser  sur  des sentiments  contradictoires.    Un  certain  pessimisme  ont  dit  les  uns  quand d’autres  retenaient  plus  volontiers  la  pointe  d’humour  de  certains  portraits –  sans  complaisance il  est vrai.   Peut-être la  souriante Florie Dufour a-t-elle fait pencher les lecteurs du côté du sourire. Au vrai, le livre de Fabienne Jacob justifie l’un et l’autre.

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Cette ville morte et ses  rues vides où ne  restent que des solderies, des cafés désertés crée le malaise, l’angoisse même. A son anonymat sans âme, l’auteure oppose les souvenirs de la ferme d’une enfance heureuse.

On  change  de  registre  lorsque  Fabienne  Jacob  entreprend  de  décrire les habitants – ou plutôt, les habitantes à partir de leur apparence physique. Les corps, elle en  fait une description minutieuse, jusqu’au bout des ongles. Portée  par  un  sens  aigu  de  l’observation,  elle  enregistre  tous  les  traits  de caractère que ce corps « qui reste celui d’une ville morte » peut révéler. Ceci avec un réel talent d’écriture : «Le corps d’Adèle était un squelette irrigué». La maison de l’enfance : « Un gros chat qu’on connaît par cœur ».

Un sentiment d’insatisfaction plane  sur ces pages. L’explication viendra plus  tard : « J’aime mieux les femmes qui attendent, qui désirent quelque chose. Les femmes qui se montrent heureuses sont déjà mortes ».

Rien  de  tout  cela  n’est  vraiment  réjouissant  Mais  c’est  en  le  relisant qu’on  le  sens  le  mieux.  Et  certaines  anecdotes  –  la  femme  tondue  à  la Libération,  par  exemple,  ou  la  chambre  des  parents  –relatées  d’une  très bonne  plume,  suscitent  forcément  l’intérêt.  A  l’écoute    de  Florie  Dufour, excellente lectrice, on ne peut que déguster ces pages. Et s’il y a tant à dire, à contredire, à approfondir au bout d’une heure de lecture, c’est que le livre est riche,  très personnel et porte finalement sur notre société un regard sans concession.

Une  très  bonne  soirée  par  conséquent.  Et,  bien  entendu,  la  discussion s’est  poursuivie avec la  comédienne autour  de l’habituel  buffet  qui, grâce à l’équipe  d’animation,    fait  toujours  de  ces  lectures  d’hiver  un  rendez-vous doublement convivial.

                                                                                          R.R.