Les enfants valise
Le Cercle laïque était convié par les Débats drouais de la paroisse Saint Etienne à s’associer à cette soirée. Nous en sommes sortis touchés par l’intérêt d’un documentaire dont le sujet, chargé d’humanité, rejoint nos propres préoccupations.
Dans la France d’aujourd’hui, une France cependant et depuis longtemps terre d’immigration, certains problèmes que posent ces mouvements incontrôlables de population passent inaperçus. Et notamment celui de ces jeunes arrivés en France dans des conditions diverses et parfois obscures. Ils ont moins de seize ans, la loi nous fait obligation de les scolariser. Et l’on devine que cela ne va pas de soi.
Xavier de Lauzanne s’est intéressé à leur cas. Il a passé quelque soixante heures de tournage, réparties sur l’année scolaire, dans une classe de « primo arrivants », tous venant de pays francophones ou du Maghreb. Pourquoi ce choix ? Pour pouvoir ouvrir le dialogue, leur donner la parole.
Les méthodes de travail, mais aussi les jeunes eux-mêmes, leur quotidien, leurs espoirs, leurs larmes parfois : beaucoup de gros plans sur les visages pour nous faire partager leurs émotions : dans son travail, Xavier de Lauzanne s’est voulu neutre, ni à gauche ni à droite. Avec beaucoup de pudeur et de finesse, il a donné une présence, une parole, à ces cas particuliers perdus dans l’anonymat du flux migratoire et qui, par ce film, sont redevenus des adolescents.
Ces jeunes, il a voulu, deux ans plus tard, savoir ce qu’ils devenaient. Il n’en a retrouvé que la moitié. L’un va de petits boulots en petits boulots, un autre se plaît dans ce qu’il fait, un autre peut envisager des études plus importantes, une fille a trouvé ce dont elle rêvait, une autre exprime sa satisfaction et ils espèrent bien avoir une carte de séjour pour deux ans, suivie d’une pour dix ans avec à la clé la possibilité de demander leur naturalisation . L’autre moitié ? Introuvables. L’un au moins file un mauvais coton…
Hommage est rendu, il faut le souligner, aux enseignants et éducateurs qui prennent en charge ces grands enfants déboussolés, une tâche qui demande des nerfs solides et un engagement total.
Près de cent cinquante personnes ont assisté à ces deux représentations, chacune suivie d’un débat. R.R.