A. DENIZET et l'affaire Brierre

22 avril 1901. A Corancez, petit village situé à dix kilomètres de Chartres, Brierre, un paysan sans histoire, est accusé de l’assassinat de ses cinq enfants. Malgré les charges accablantes, il nie les faits. Ce forfait rarissime dans les annales judiciaires a rapidement des répercussions politiques - débat sur la grâce présidentielle et sur la peine de mort à l’Assemblée nationale - mais la plus inattendue est le rapprochement fait par les antidreyfusards entre Brierre et le capitaine Dreyfus. La grâce présidentielle n’est-elle pas demandée par La ligue des droits de l’homme qui la obtenue pour le « traître Dreyfus » ? Gracié par Loubet, Brierre est envoyé au bagne de Guyane, aux îles du Salut, où est regroupé le gotha du crime. Il continue à clamer son innocence [1]. Sa cause est bientôt relayée par les grands titres nationaux, Le MatinLe Petit Parisien, près d’un million et demi d’exemplaires à eux deux… Cette affaire criminelle qui est la plus médiatisée en France entre 1870 et 1914 a également un retentissement international sous toutes les latitudes, des E-U en Australie, en passant par l’Argentine et Angleterre…

Pour ceux qui associent l’histoire et la généalogie, l’affaire Brierre permet une entrée de plain-pied dans la vie quotidienne d’un village à l’orée du XXe siècle. Non par la voie romanesque, ce qui est courant, mais par la richesse des archives, ce qui l’est moins. L’épais dossier d’assises – plus de 900 pièces -, les centaines d’articles de journaux permettent de saisir les derniers jours ordinaires des victimes et de l’accusé, de comprendre comment des humbles ont vu leur existence routinière bouleversée par l’irruption d’un crime hors du commun, par l’enquête et aussi par la presse à sensation.